I. Cadre légal

La Loi n° 17/001 du 08 Février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé en République Démocratique du Congo est un cadre légal et institutionnel qui a pour but la protection de la main-d’œuvre travaillant dans les entreprises de sous-traitance, la création de l’emploi pour les nationaux et l’élargissement de l’assiette fiscale au profit du Trésor public.

C’est donc dans le cadre de ce troisième objectif que l’Autorité de Régulation de la Sous-traitance dans le secteur Privé (ARSP) a publié une série de communiqués informant l’opinion et, les opérateurs économiques en particulier, qu’elle procède à l’enregistrement des entreprises exerçant des activités de sous-traitante en République Démocratique du Congo, conformément aux articles 9 de la loi, 3.2 du Décret 18/018 et 5 du Décret n° 18/019. 

En effet, ce cadre légal et institutionnel est intervenu dans un contexte caractérisé par l’accroissement de l’activité économique dans le pays, dont les retombées ne profitaient que très peu au Congolais avec, à la clef, des riches toujours plus riches et des pauvres encore plus pauvres.

Le législateur a donc voulu ajuster la balance en actionnant le levier du protectionnisme afin de garantir aux congolais une part du marché des services qui leur échappait au profit des expatriés. Il poursuit par ce moyen le développement économique et, en passant, la création d’une classe moyenne en RDC. 

Partant, les entreprises utilisatrices sont tenues de communiquer les listes de leurs sous-traitants, conformément à l'article 9 al. 2 du Décret n° 18/018 du 24 Mai 2018 portant mesures d'application de la loi dite sur la Sous-traitance, tandis que les entreprises de sous-traitance sont tenues de lui communiquer les éléments suivants :

  1. Statuts notariés,
  2. Registre de Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM),
  3. Identification Nationale,
  4. Numéro d’impôt,
  5. Un document établissant qu’il est en règle avec l’administration fiscale,
  6. Affiliation à un organisme de sécurité sociale.

A travers cette demande, l’ARSP entend se conformer aux textes régissant le secteur, qui ont pour finalité le redressement de la balance sociale en RDC.

Si la démarche entreprise par l’ARSP, jusqu’ici se conforme bien aux différents textes qui régissent le secteur, l’Autorité de Régulation est allé plus loin en instaurant une taxe d’agrément des sociétés de sous-traitance et ce, en violation des textes en la matière.

Pour rappel, la loi définit la Sous-traitance comme étant une activité ou opération effectuée par une entreprise dite sous-traitante, pour le compte d’une entreprise dite entreprise principale et qui concourt à la réalisation de l’activité principale de cette entreprise, ou à l’exécution d’une ou de plusieurs prestations d’un contrat de l’entreprise principale.

De cette définition, l’on pourrait comprendre que le législateur considère comme sous-traitant toute personne physique ou morale, indistinctement, dont l’objet social ou l’activité s’exerce auprès d’une autre entreprise, dites utilisatrice, et contribue ainsi directement ou indirectement à la réalisation de son objet social. 

L’article 6 de la loi sur la sous-traitance, instaure le protectionnisme en disposant que la sous-traitance est exercée par des entreprises à capitaux congolais et promues par des congolais. Elles ont ainsi le devoir de se faire enregistrer auprès de l’Autorité de Régulation qui a pour mission de veiller au respect des prescrits légaux et réglementaires.

 

II. Décisions de l'Autorité de Régulation de la Sous-Traitance

L’ARSP, qui a débuté officiellement ses activités le vendredi 04 Octobre 2019, a informée par 3 communiqués de presse à toutes les entreprises œuvrant dans tous les secteurs économiques et qui recourent aux travaux réalisés en sous-traitance par d’autres sociétés privées ainsi que celles qui exécutent lesdits travaux que l’enregistrement des sous-traitants, en vue de l’agrément, se fera en ligne à travers le site web de l’ARSP suivant les critères légaux d’éligibilités en plus de produire la preuve de paiement des frais d’agrément équivalents à 220USD Franc Congolais.

En l’absence d’une disposition légale instituant l’agrément des sociétés de sous-traitance, accompagné d’un acte réglementaire fixant le taux de la taxe d’agrément, toute décision d’agrément suivi par le prélèvement d’une taxe  d’agrément est manifestement illégale, abusif et arbitraire.

Cette illégalité s’observe de manière flagrante !

En effet, sur le plan de la forme, l’obligation d’agrément des sociétés de sous-traitance est manifestement illégale et ne renferme aucune force probante car, c’est par voie de communiqué que l’ARSP a porté par trois fois à la connaissance des opérateurs économiques de l’existence d’une certaine obligation d’agrément des sociétés de sous-traitance, alors que le Décret n°18/019 du 24 Mai 2018 portant création, organisation et  fonctionnement de l’autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé, en sigle ARSP, dispose à son article 9 : «  …Les résolutions ou décisions du Conseil sont prises à la majorité absolue des membres présents ou représentés. En cas d’égalité des voix, celle du Président est prépondérante… Les décisions et les recommandations adoptées par le Conseil sont consignées dans un procès-verbal signé par le Président du Conseil et publié au Journal Officiel ». Il en ressort que les Décisions ou Résolutions, ou les Recommandations sont les actes réglementaires par lesquels l’ARSP statue en tant qu’Autorité de Régulation. En revanche, l’obligation d’agrément ainsi que le taux des frais y relatifs ont été institués par un communiqué.

 

III. Illégalités des décisions de l'Autorité de Régulation de la Sous-Traitance

L’absence d’acte valable l’instituant, l’agrément des sociétés de sous-traitance ne peut être imposé aux entreprises concernées.

En outre, et plus important, la loi sur la sous-traitance n’a nullement voulu l’agrément des sociétés de sous-traitance car, elle ne prévoit pas non plus de sanction pour défaut d’agrément ; et, un quelconque esprit de la loi qui irait dans ce sens ne saurait être autre qu’un esprit maléfique car, en effet, il n’y a pas de taxe sans loi.

A titre illustratif, les entreprises désireuses d’œuvrer dans le secteur des assurances ne peuvent commencer leurs opérations qu’après avoir obtenu un agrément délivré par l’autorité de régulation et de contrôle des assurances. L’agrément est accordé sur demande de l’entreprise, pour les opérations d’une ou de plusieurs branches d’assurances. L’entreprise ne peut pratiquer que les opérations pour lesquelles elle est agréée aux termes de l’article 400 de la loi n°15/005 du 17 mars 2015 portant code des assurances.

De ce qui précède, l’agrément des sociétés de sous-traitance, tel que voulu par l’ARSP est donc à tout point de vue illégale. Toute volonté d’instaurer cette obligation devra donc préalablement passer par la révision de la loi sur la sous-traitance.

 

Me Jean KAPUTO

Avocat

 

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